Le Prieuré de Castelthorves était une sombre bâtisse accrochée au flanc du lieu dit de la Montagne Noire, situé à l’époque à moins d’une lieue du bourg. On y accoillait de jeunes aspirants ainsi que des membres de la petite paysannerie qui aidaient à la vigne, au soin du bétail et aux travaux des champs. Les journées s’écoulaient, paisibles. La routine quotidienne était ponctuée de séances de prières fréquentes auxquelles seuls moines et novices, conformément à la règle de vie monastique, étaient tenus d’assister. Tous cependant participaient à la procession des saintes reliques qui étaient sorties au grand jour, chacune à différentes périodes de l’année.
Ce fut justement lors d’une de ces manifestations de piété que Niègode fut accueilli au noviciat. On le débarrassa au préalable des légions de poux qui tenaient en coupe serrée son abondante tignasse. On lui fit également la leçon sur ses devoirs de novice. S’étant enquis de son nom, un frère convers poussa le zèle à lui narrer la vie de son saint patron.
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Saint Niègode a la gouverne des vents et des flots. Il est mort martyr, passant de vie à trépas en prière, les mains jointes et chantant des psaumes, le corps attaché à l’ancre d’une goélette mamelouke, la tête fichée au mat de misaine. On l’invoque lors des naufrages, pour se protéger des déjections de mouettes et se prémunir des invasions de sauterelles. De nombreuses guérisons se sont produites à marée basse en différents lieux où il est réputé avoir pris les eaux. Se baigner à l’un de ces endroits assure d’une bonne mort. S’y noyer permet d’éviter le purgatoire. Saint Niègode est le protecteur de la moule zébrée et des calmars. C’est le patron des mariniers et des riverains.
Le jeune garçon résolut dans l’instant de rejoindre son patron dans la Communion des Saints. Il ne reculerait devant aucun sacrifice afin d’être canonisé lui aussi.